Medley
05. octobre – 17. Novembre 2012
Pour cette exposition, Amaury Morisset remixe un hit de l'art contemporain, l’assemblage, qu'il décline en une trilogie : impression 3D, peintures et tirages photographiques.
Ces derniers sont en fait d'habiles photomontages où se côtoient les vestiges de monuments pour la plupart aisément identifiables à des civilisations anciennes (pyramides, stupas, temples, etc.).
Témoins falsifiés d'une histoire improbable, ces images s'inscrivent dans une série de travaux au travers desquels l'artiste questionne la notion d'origine. Berceaux d'une culture « globalisée » avant l'heure, ces sites fictifs ont quelque chose de familier et d'étrange à la fois. On y reconnaît de nombreux classiques de l'architecture primitive, mais le medley composé par Amaury Morisset est inédit. Si l'on pense un instant à des mythes comme ceux de l'Atlantide ou du peuple de Mu, la nature des clichés utilisés (photographies de voyages trouvées sur l'Internet) ancre cependant ces Indigénisations dans un réel très prosaïque. La supercherie, tantôt évidente (lorsqu'une pyramide égyptienne jouxte l'Acropole, par exemple), tantôt plus fine (lorsque l'artiste a travaillé dans la même tonalité de pierre des bas reliefs égyptiens, des statues grecques ou hindoues, le tout dispersé sur la façade d’un des temples de Petra), invite le spectateur à tenter de démêler le vrai du faux.
Un procédé similaire de collage visuel et intellectuel est à l’œuvre dans les Ornamental Painting qui font face aux Indigénisations dont elles sont la version abstraite. Pour chacune de ces peintures de grand format, l'artiste a soigneusement choisi trois motifs traditionnels séculaires et les a superposés de façon à en obtenir un quatrième. Ces hybridations sont moins spectaculaires que les précédentes parce que leur incongruité n'apparaît pas immédiatement. Elles sont pourtant également le fruit de mariages « forcés ». Ici, deux motifs floraux, l'un chinois (bleu), l'autre perse (vert d'eau), se mêlent à un dessin indien de type labyrinthique. Là, c'est un motif étoilé indien, des arabesques maures et un thème chinois répété en quinconce qui forment ensemble une sorte de camouflage. Dans ces deux cas, aucun motif ne prend vraiment le pas sur l'autre. Il en va différemment lorsque l'artiste a introduit un ornement central (médaillon chinois ou grec) : la superposition est alors plus lisible et l'effet « papier peint » moindre. Pour autant, l'ensemble reste avant tout séduisant, non pas aguicheur, mais simplement plaisant, telle une musique d'ascenseur (ou « musique d’ameublement » aurait dit Satie).
Birth, une maquette réalisée en impression 3D (l'objet n'est pas sculpté, ni moulé, mais « monté » en strates) complète cette trilogie « archéologico-fictionnelle » en introduisant la notion de projection, et même de prospection. Les éléments architectoniques composant ce jouet de grand garçon ont été puisé dans un passé lointain. Il pourrait s'agir de la reconstitution d'un édifice disparu (l'un de ceux dont les touristes visitent les ruines dans les Indigénisations), mais également d'une maquette préparatoire, à l'instar de celles que les promoteurs immobiliers présentent pour faire la publicité d'un futur lotissement, complexe hôtelier, ou autre parc d'attraction. À moins qu'il ne s'agisse du projet un peu fou de quelque entreprise de BTP chinoise ou qatari ?
Cécilia Le Métayer